La langue comme outil de prévention des troubles musculo-squelettiques chez des inteprètes français/langue des signes québécoise : analyse d’aménagements linguistiques, biomécaniques et temporels
Mémoire en linguistique (concentration linguistique)
par Suzanne Villeneuve (Janvier 2007)
Direction :
Anne-Marie Parisot
(Université du Québec à Montréal)
Résumé :
Cette étude propose un nouvel angle de réflexion à la compréhension multidisciplinaire des TMS en ce sens qu’elle présente une description qualitative et quantitative d’éléments de la structure linguistique de la langue des signes québécoise (dorénavant LSQ) qui peuvent avoir une incidence chez les interprètes dont la langue des signes est une des langues de travail. Cinq aspects ont été pris en compte dans ce mémoire : 10 temporel, 20 biomécanique, 30 phonologique, 40 morphosyntaxique et 50 discursif. Les études pointent généralement différents facteurs de risque biomécaniques, cognitifs et psychosociaux pour expliquer les blessures professionnelles des interprètes en langue des signes. L’utilisation de la langue comme facteur influençant la charge musculo-squelettique n’a pas encore été étudiée par les chercheurs. Les principales questions que soulève cette recherche se résument dans ces deux points : 10 Quel type d’utilisation de la langue en contexte d’interprétation peut contribuer à prévenir les blessures aux membres supérieurs ? et 20 Quels sont les aménagements permis par la LSQ et inscrits dans la grammaire de la langue qui pourraient être faits par les interprètes ? De ces questions a découlé une série d’hypothèses (8). Les 10 sujets sélectionnés pour cette étude sont des interprètes dont l’interprétation constitue la principale activité professionnelle et qui n’ont jamais eu de diagnostic de TMS. Il s’agit de 5 sujets débutants et 5 sujets experts. Dans ce cadre, l’expertise est définie par un minimum de 10 années de pratique active sans avoir développé de blessures. Les débutants sont des interprètes qui ont terminé leur formation et qui travaillent en moyenne depuis 2 ans. La tâche expérimentale consistait à interpréter en LSQ deux discours de 20 minutes chacun : le premier est un discours de registre familier et le second est plus formel et plus complexe (de niveau scientifique). Chacun des éléments produits a été encodé en fonction des catégories préalablement définies. Il ressort de l’analyse des résultats que les interprètes experts produisent significativement plus d’aménagements morphosyntaxiques et phonologiques que les interprètes débutants. Quoique ces aménagements leur permettent de réduire le nombre de signes produits sur la main dominante, les experts n’utilisent pas ce temps pour prendre des pauses, mais pour raffiner la précision du message en réalisant divers types d’ajouts au discours. Nous proposons un modèle d’équilibre des charges musculo-squelettiques qui prenne en compte les aménagements linguistiques pour une économie articulatoire et qui donne ainsi encore plus de pouvoir à l’interprète sur sa pratique professionnelle.
http://www.ling-cycles-sup.uqam.ca/…
Villeneuve, S.
« Des signes de fatigue : description d’aménagements linguistiques pour économiser des mouvements en interprétation français/langue des signes québécoise »
Journées de réflexion scientifique de l’ISS : La recherche intervention en santé à l’UQAM, St-Paulin, avril 2007.
Résumé : Les troubles musculo-squelettiques (TMS) des interprètes en langue des signes ont été analysés sous divers angles par les chercheurs qui ont identifié des facteurs de risque et de prévention d’ordre : 10 biomécanique (entre autres : DeCaro et al., 1992 ; Sweeney et al., 1995 ; Feuerstein et al., 1992 et 1997 ; Scheuerle et al., 2000), 20 cognitif (entre autres : Madden, 1995 ; Durand et al., 2001), et 30 psychosocial (Feuerstein et al., 2000 ; Delisle et al., 2004). Les études sur le comportement montrent que les sujets ne souffrant pas de lésion attribuable au travail répétitif modifient leur posture et adaptent leurs mouvements lorsque leur corps ressent de la fatigue (Côté et al., 2002 ; Côté et al., 2005). En réduisant les mouvements en nombre et en distance, et en répartissant la charge musculo-squelettique sur les deux bras, il serait possible à un interprète de retarder le moment d’inconfort. Étant donné la nature multifactorielle des TMS et l’intervention interdisciplinaire dont ils doivent faire l’objet (Kuorinka et Forcier, 1995), nous présenterons des éléments linguistiques d’économie articulatoire qui ressortent de l’étude que nous avons menée en 2005 dans le cadre d’un mémoire de maîtrise. Cette recherche visait une description de la production linguistique en langue des signes de deux groupes d’interprètes LSQ/français enregistrés individuellement pendant une tâche d’élicitation de l’interprétation de deux types de discours (scientifique et familier). Le premier groupe était constitué de débutants (n=5) et le second, d’experts (n=5). Nous avons d’abord observé le comportement langagier des interprètes dans les deux discours. Ensuite nous avons établi leur profil linguistique individuel, puis nous avons comparé les profils linguistiques des débutants à ceux des experts. Nos résultats montrent que les deux groupes diffèrent, notamment quant aux stratégies d’économie phonologiques et syntaxiques. Dans le cadre de l’ergonomie au travail, cette analyse nous a conduit à conclure par des recommandations visant à mieux outiller les interprètes présents et futurs au sujet de la dimension linguistique de l’économie articulatoire en langue des signes. Les éléments qui ressortent de l’analyse linguistique de ce travail s’ajoutent à ceux déjà identifiés pour cette profession, dont le stress et la posture, afin de contribuer à une meilleure santé et sécurité au travail des interprètes de langue des signes.
Le site internet de l’Unité Mixte de Recherche 8163, Savoirs, textes, langage présente en ligne divers mémoires soutenus par les étudiants du Master d’interprétariat (Université Lille 3, Mention Sciences du langage, spécialité Interprétariat LSF/français).
Parmi ceux-ci, on peut lire :
Apparition et prévention des troubles musculo-squelettiques chez les interprètes en langue des signes française / français
Mémoire pour obtenir le Master professionnel interprétariat langue des signes française/ français
Université Charles de Gaulle Lille 3, 2008/09
http://stl.recherche.univ-lille3.fr…
Extrait de :
Quand le travail fait mal
NOUVELOBS.COM, 18.04.2008
Une étude publiée hier sur le site du Rochester Institute of Technology (NY) met en lumière une autre profession particulièrement touchée par ces troubles : les interprètes du langage des signes.
Ces professionnels sont largement concernés par les TMS type inflammation du canal carpien ou tendinite à cause de la répétitivité de leurs mouvements et du stress dû à la très grande concentration que nécessite leur fonction. Les experts ont mesuré leur vitesse de signature afin d’évaluer la fatigue du poignet et l’ont comparé avec différents groupes de travailleurs. Il en ressort que l’activité des interprètes présente plus de risques physiques que celle des ouvriers. Or, peu nombreux, ces spécialistes sont indispensables aux personnes atteintes de surdité ou malentendantes. Il est donc primordial de plancher sur de nouvelles techniques permettant d’améliorer leurs conditions de travail.
Mélanie BOURDON
RIT Study : Sign Language Interpreters at High Ergonomic Risk
Interpreting places greater stress on extremities than industrial activities
by Will Dube, April 16, 2008
Sign language interpreting is one of the highest-risk professions for ergonomic injury, according to a new study conducted by Rochester Institute of Technology. The research indicates that interpreting causes more physical stress to the extremities than high-risk tasks conducted in industrial settings, including assembly line work. It also found a direct link between an increase in the mental and cognitive stress of the interpreter and an increase in the risk of musculoskeletal injuries such as carpal tunnel syndrome and tendonitis.
The research, conducted through RIT’s Department of Industrial and Systems Engineering, is one of the first to catalog the effect of signing on interpreters and show a correlation between mental and cognitive stress and increased ergonomic risk. The results of the study are available in the March 2008 edition of the peer-reviewed journal Ergonomics and were also presented at the 2007 biennial conference of the Registry of Interpreters for the Deaf.
“The impact of repetitive stress in industrial and office settings has been well documented, but there is less data on the risk of ergonomic injury to sign language interpreters,” says Matthew Marshall, associate professor of industrial and systems engineering at RIT and a leader of the research group. “Our findings indicate that interpreters may actually be at a higher risk of injury than other professions.”
Marshall notes that the impact of injury on interpreters and its effect on retention is a major issue in the deaf community because any reduction in the interpreter population would have an adverse effect on the full societal participation of deaf and hard-of-hearing individuals.
“Gaining a better understanding of the factors contributing to interpreter injury can show us ways to intervene and reduce the risks,” adds Steve Nelson, director of access services for the National Technical Institute for the Deaf. “Informed intervention can help drastically reduce injuries and keep much-needed skilled interpreters at work.”
In developing its findings, the RIT team studied a group of interpreters and measured the physical impact of signing over a fixed time period, utilizing metrics developed for industrial settings. The team found that wrist velocity and acceleration during interpreting, factors used to measure physical impact, were more acute than the high risk limits for industrial workers. In addition, an increase in mental and cognitive stress led to a 15-19 percent increase in wrist velocity and acceleration during interpreting.
Marshall will next look to enhance this data through additional studies placing interpreters in a wide variety of settings. The information will assist in furthering understanding of the impact of sign language interpreting on repetitive stress, while also assisting organizations in developing better training programs to reduce ergonomic risk.
“The ultimate goal is to enhance knowledge of the impacts of interpreting and help make the profession more conducive for workers,” notes Marshall.
http://www.rit.edu/news/?v=46110
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 9 février 2010 / no 5-6
Question N° : 62108 de M. Thierry Lazaro (Union pour un Mouvement Populaire – Nord)
Question publiée au JO le : 27/10/2009 page : 10127
Réponse publiée au JO le : 12/04/2011 page : 3738
Texte de la question
M. Thierry Lazaro attire l’attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur les propositions formulées par la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) lors de son 45e congrès national. Aussi, il la prie de bien vouloir lui faire part de son avis sur celle tendant à une réparation plus importante des conséquences socioprofessionnelles des victimes de TMS (troubles musculosquelettiques) spécialement lorsque leur taux d’incapacité est peu élevé.
Texte de la réponse
Le ministre du travail, de l’emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative à la réparation des troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces troubles sont multifactoriels et notamment dus, en milieu professionnel, à des facteurs biomécaniques (répétitivité des gestes, efforts excessifs, mauvaises postures, etc.) et à l’accroissement des contraintes organisationnelles (cadences, automatisation ou rotation des postes insuffisantes). Ces pathologies constituent la première cause de reconnaissance de maladie professionnelle en France. Ainsi, en 2009, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a indemnisé 37 409 personnes en premier règlement pour des troubles musculo-squelettiques, soit 82 % des 45 472 personnes indemnisées pour l’ensemble des maladies professionnelles en premier règlement cette même année. Les TMS peuvent être pris en charge au titre de cinq tableaux de maladies professionnelles (TMP) qui oeuvrent respectivement les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail (tableau n° 57), les affections provoquées par les vibrations et chocs transmis par certaines machines-outils, outils et objets et par les chocs itératifs du talon de la main sur des éléments fixes (tableau n° 69), les lésions chroniques du ménisque (tableau n° 79), les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basse et moyenne fréquence transmises au corps entier (tableau n° 97), et les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention de charges lourdes (tableau n° 98). En termes de réparation, la victime de TMS atteinte d’une incapacité permanente consécutive à son accident de travail ou à sa maladie professionnelle pourra percevoir soit une indemnité en capital si son taux d’incapacité est inférieure à 10 %, soit une rente viagère si son taux est supérieur ou égal à 10 %. Le cas échéant, la rente est calculée sur la base du salaire des douze derniers mois précédant l’arrêt de travail. Elle est égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité préalablement réduit de moitié pour la partie de taux ne dépassant pas 50 % et augmenté de moitié pour la partie supérieure à 50 %. Depuis 2009, le coefficient de revalorisation des rentes est fixé au 1er avril de chaque année, et les rentes ont ainsi été revalorisées de 0,9 % en 2010. Les réformes envisagées en matière de réparation ne concernent pas spécifiquement les TMS, mais l’ensemble des accidents du travail et maladies professionnelles. Ainsi, dans la convention d’objectifs et de gestion de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles pour la période 2009-2012, l’État et la CNAMTS se sont engagés à conduire les travaux préalables nécessaires pour rénover le dispositif de la réparation de l’incapacité permanente, en vue d’évaluer et de réparer distinctement le préjudice professionnel et le déficit physiologique.