(extraits d’un document de formation de Francis Jeggli)

3ème génération d’interprètes

1988
L’association des interprètes change de bureau et de sigle. L’appellation « déficients auditifs » disparaît au profit de « langue des signes », sous la présidence de Michel Lamothe. Elle est probablement la seule association dans le monde des Sourds à avoir fait cette démarche (sous l’influence de 2LPE, 2 Langues Pour une Education). Elle adjoint par la même occasion un code déontologique à ses statuts.
L’A.N.F.I.D.A. devient l’A.N.I.L.S., Association Nationale des Interprètes en Langue des Signes. Elle deviendra plus tard L’A.N.P.I.L.S., Association Nationale Pour l’Interprétation en Langue des Signes. Fait sans précédent en Europe, son Conseil d’Administration compte alors, obligatoirement 50% de sourds et le nouveau président Jean-François Mercurio, auquel succédera Rachid Mimoun, sont eux-mêmes sourds. Cette période marque une reprise en main par les sourds de leurs affaires, à commencer par leurs interprètes. Ils entendent ne plus se faire manipuler. Pour eux, prendre le contrôle de l’association des interprètes c’est un peu comme prendre le pouvoir de la parole. En effet, c’est par le biais des interprètes que s’expriment les sourds face aux pouvoirs publics. Le contrôle de la qualité professionnelle de ceux-ci, devient à l’époque une priorité. Cette période ne durera que 3 ans, le temps pour la communauté sourde de reprendre confiance dans ses interprètes. Ce mouvement, que certains qualifieront « d’autonomiste » mais, qui était en fait une étape vers la fin de la mise sous tutelle systématique des sourds, continuera en s’amplifiant au sein même de sa plus puissante association : la Fédération Nationale des Sourds de France.
Un peu plus tard sous l’influence de l’E.F.S.L.I. (à laquelle elle vient d’adhérer), l’association des interprètes changera encore de nom pour prendre celui qu’elle possède actuellement : l’A.F.I.L.S. Seuls les membres interprètes, qu’ils soient sourds (entre deux langues gestuelles par exemple) ou entendants, sont éligibles et ont le droit de vote. De fait, les sourds consommateurs, se retirent progressivement de l’association ; quant aux sourds interprètes, aucun d’entre eux n’étant professionnel, ils n’avaient jamais adhéré.

1989
A la surprise de tous, à Paris, S.E.R.A.C. (Sourds Entendants Recherche Action Communication) dans le cadre de la formation professionnelle, crée une formation d’interprètes débouchant sur un diplôme après 15 mois de formation intensive. Le recrutement se fait, normalement, au niveau BAC+2. L’association des interprètes accueille froidement cette formation surtout pour des raisons de personnes.

1991
La deuxième volée d’interprètes en L.S.F., formée cette fois par la Fédération des Sourds de Suisse Région Romande et l’E.T.I., Ecole de Traducteurs et d’Interprètes de l’Université de Genève, sort de l’Université (FILS1).

1993
L’E.S.I.T. Ecole Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs, annonce l’ouverture d’une formation d’interprètes de conférence à l’université Paris III. La formation durera 2 ans et sera sanctionnée par une MST, Maîtrise des Sciences et Techniques.

1994
L’A.F.I.L.S. crée une carte professionnelle d’interprète en collaboration avec la Fédération Nationale des Sourds de France. D’autre part, la profession (A.F.I.L.S.) et la communauté sourde (Fédération Nationale des Sourds de France) reconnaissent la validité du diplôme délivré par le centre de formation S.E.R.A.C. apaisant du même coup les tensions entre elles.

1995
Une première thèse de Doctorat d’interprète en Langue des Signes Française est soutenue à l’E.S.I.T. sous la direction de Danica Seleskovitch par Philippe Sero-Guillaume. Même si cette thèse fut fortement critiquée par des linguistes et des interprètes, elle marque une avancée dans la reconnaissance de la profession.

1996
Les premiers interprètes Français/L.S.F. diplômés sortent de l’E.S.I.T en même temps que sort la deuxième promotion de l’E.T.I (Genève) En Suisse l’ARILS Association Romande des Interprètes en Langue des Signes, prend la relève de l’AICLS (créée en 1986 par M. et Mme Boussac)

1998
En France, le rapport de Dominique Gillot, députée PS, à la demande de Lionel Jospin, Premier Ministre, présente 115 propositions pour faire avancer la problématique sourde. Ce rapport sera comme un coup de pied dans la fourmilière du petit monde des sourds. Si elle ne nie pas l’utilité des interprètes, elle en parle avec peu de déférence, passe totalement sous silence leur association et les formations et qualifie même les services d’interprètes « d’officines ».

1999
L’Université Paris 8 rouvre, cette fois en collaboration avec S.E.R.A.C.-Formation, un DFSSU d’interprète polyvalent (Traduction, liaison et conférence). Ce diplôme d’université est l’équivalent d’un DESS (bac +5). Il prend la relève de la formation S.E.R.A.C. après 11 ans de fonctionnement. Recrutement niveau maîtrise (Bac + 4) et bonne connaissance du français et de la L.S.F. Durée de la formation : une année universitaire intensive (900 heures).

2001
L’université Paris 8 en collaboration avec S.E.R.A.C. formation, ouvre une filière très courte (150h) vers le DFSSU, réservée aux interprètes professionnels expérimentés et dont les compétence sont testés à l’entrée en formation.

2002
En France, le ministre de l’Education Nationale, M ; Jack Lang, tourne résolument le dos à son prédécesseur, M. Allègre qui avait refusé que la langue des signes soit considérée comme langue optionnelle au Baccalauréat en argumentant que « ..il s’agit d’un code de communication et non d’une langue » 4 ans plus tôt. M. Jack Lang reconnaît la Langue des Signes Française en ces termes : « …Nous souhaitons en même temps réparer symboliquement et pratiquement aussi, une injustice ancienne…Les raisons qui plaident pour le développement de la L.S.F. sont de trois ordres : légitimité éducative…légitimité pédagogique….légitimité culturelle ». Il annonce la création d’un « référentiel de compétence » destiné à mesurer le niveau acquisition de la L.S.F. par les élèves sourds sur les mêmes principes que les 43 autres langues de la Communauté Européenne. « Le référentiel » est présenté le Mercredi 13 février à Paris.
Les observateurs sont mitigés et inquiets quant à la concrétisation (à quelques semaines de l’élection présidentielle).Tous ont déjà été échaudé par la « reconnaissance », 11 années plus tôt, de la loi Fabius qui n’a pas encore eu d’application concrètes.

Peu après mais sans lien de cause à effet, l’association française des interprètes, A.F.I.L.S, prend un nouveau virage.
L’association, de nouveau en perte de vitesse, et embourbée dans des problèmes de gestion financière et interne, a nommé un CA provisoire qui a pour mission de modifier en profondeur les statuts qui ne correspondent plus aux exigences des interprètes qui sont maintenant estimés à 150.
Finalement l’AGE de septembre 2002, sous la présidence de Laure Boussard, entérinera à une très forte majorité des nouveaux statuts qui limitent l’accessibilité de l’association aux seuls interprètes diplômés, mais autorise l’affiliation d’associations régionales et de services d’interprètes sous conditions, reconnaissant dans la foulée les diplômes de l’université Paris8 (DFSSU), de l’université Paris 3 (MST) ainsi que la certification qu’est désormais devenue la Carte Professionnelle A.F.I.L.S fossilisée, et la Capacité Communicationnelle.

Juin 2003
En juin la deuxième volée universitaire (FILS2) d’interprètes sort de l’université de Genève.

Octobre 2003
L’université Lille 3, annonce la création d’un DESS en une année (352 heures + 3 mois de stages) en collaboration avec S.E.R.A.C.
L’association des ILS fait un accueil glacial à cette nouvelle formation qui lui avait été présentée dans un premier temps comme ne comportant pas d’examen d’entrée et seulement une soutenance de mémoire en guise d’examen final de sortie. L’université, ajusta le tir dans les semaines qui suivirent le refus de l’A.F.I.L.S de rédiger une lettre de soutien. La formation, la plus courte des quatre qui sont désormais sur le marché, aura bien un examen de sélection et un examen de sortie. L’attitude de l’A.F.I.L.S se transforma en une prudente neutralité attentiste part rapport à cette formation. Il est à noter que le DESS est à cette époque le plus haut diplôme d’Etat de la profession.

L’université Toulouse Le Mirail, annonce également l’ouverture d’une Licence de Traducteur (écrit) français/anglais/L.S.F. sur deux années, recrutement à BAC + 1. Une filière sera mise en place vers une Maîtrise d’interprète Français/L.S.F.

La France compte donc à ce jour quatre écoles supérieures de formation d’interprètes en Langue des Signes. Une à Lille, une à Toulouse et deux à Paris.

Octobre 2004
Pour la première fois se tient à Paris, organisée par l’ESIT, une réunion des diverses écoles de formation d’interprètes en Langue des Signes. Sont représentées : l’université de Bruxelles ; l’ETI de l’université de Genève ; l’université de Toulouse le Mirail ; l’ESIT de Paris 3, serac/ Paris 8 et l’université Charles de Gaulle de Lille3. Il s’agit d’une première prise de contact.
Lille 3 abandonne le DESS et passe au Master européen d’ILS. Elle est ainsi la première à appliquer la réforme des diplômes LMD.

11 février 2005
Reconnaissance officielle de la LSF par la loi 2005-105, article 75. Cette reconnaissance, encore une, ne semble pas avoir d’implications pratiques immédiate dans la vie des sourds, d’autant plus que le financement de ses implications est très obscure.
L’ESIT transforme sa MST en Master rejoignant ainsi Lille 3. L’université Paris 8 et l’université Rouen Mont Saint Aignant, annoncent la création d’un Master d’ILS en commun qui devra remplacer le DFSSU de Paris 8 à la rentrée 2006.

2006
Création de la première association d’interprètes sourds en marge de l’AFILS, par Ronit Leven. Cette association qui travaille sur les LS, n’est composée que de non professionnels sourds dont le but affiché est de vendre leurs services.
Rentrée 2006-2007 : cinquième formation universitaire d’interprète à l’Université de Rouen.
A suivre…