Assemblée nationale
XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021
Séance du mardi 04 mai 2021
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Situation des sportifs sourds
M. le président.
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour exposer sa question, no 1397, relative à la situation des sportifs sourds.
M. Loïc Prud’homme.
Les sourds et malentendants français ont une longue et riche histoire sportive. La surdité étant un handicap invisible, nombre d’entre eux ont pu briller en compétition, y compris parmi les valides. Cependant, la communication spécifique nécessaire sur le terrain, notamment dans les sports d’équipe, oblige les sourds à organiser leurs propres compétitions, d’autant qu’ils souffrent d’une mise à l’écart : ils ne sont admis ni aux Jeux paralympiques, réservés à tous les athlètes en situation de handicap physique et sensoriel à l’exception des handicaps auditifs, ni au sein du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui s’occupe des sportifs non handicapés aux Jeux olympiques.
Les sportifs sourds concourent donc depuis 1924 aux Deaflympics, à l’époque appelés « Jeux silencieux ». Ils sont organisés par le Comité international des sports pour les sourds (ICSD) et sont reconnus par le Comité international olympique (CIO) depuis 1955, mais pas par l’État français. Les sportifs sourds médaillés aux Deaflympics ne reçoivent aucune prime de victoire et les fédérations dont ils sont issus ne touchent aucune somme visant à récompenser l’encadrement dans la discipline concernée.
Pourtant, depuis sa première participation en 1924 à Paris, la France a remporté pas moins de 311 médailles en trente-sept participations à ces jeux. Personne ne connaît les noms de ces champions, et pour cause ! La discrimination subie par ces sportifs de haut niveau les amène à abandonner leur carrière ; plus grave à mes yeux, elle empêche la démocratisation du sport au profit des jeunes sourds et malentendants.
Madame la ministre déléguée, le sport sourd a besoin de se structurer en France et les premiers concernés le demandent eux-mêmes. Ma question est simplissime : allez-vous mettre fin à la discrimination subie par ces sportifs et reconnaître officiellement les Jeux olympiques destinés aux athlètes sourdes et sourds, les Deaflympics, au même titre que les Jeux olympiques et paralympiques ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports.
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports.
C’est en effet un thème important pour le sport. Les Deaflympics sont reconnus par le CIO et j’ai moi-même eu l’occasion de participer à une compétition au cours de laquelle un athlète sourd, sud-africain, a été médaillé d’argent : c’était aux Jeux olympiques de Sydney, sur 200 mètres brasse. De nombreux sports s’adaptent pour substituer à un départ fondé sur l’ouïe un système visuel, afin que les personnes sourdes puissent prendre le départ des compétitions et concourir avec les valides.
Dans d’autres sports, ce n’est cependant pas possible et l’IPC, le Comité international paralympique, agit pour que soient reconnus officiellement les Deaflympics, compétition organisée par l’ICSD. Tant qu’ils ne le sont pas au niveau international, la France ne peut agir qu’au sein de ses propres fédérations, comme vous l’avez dit, pour une meilleure reconnaissance des athlètes de haut niveau médaillés dans ces compétitions et pour leur meilleure inclusion dans les fédérations, afin qu’ils puissent s’entraîner dans de bonnes conditions pour les sélections et les compétitions qui leur sont réservées.
Le budget consacré par le ministère des sports et par l’Agence nationale du sport (ANS) au soutien de la pratique paralympique de haut niveau et au développement des pratiques sportives des personnes en situation de handicap est passé de 2 millions à 12 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 250 %. Les fédérations sont accompagnées en ce sens par la loi que vous avez votée il y a un mois, qui favorise le développement de la pratique sportive dans les établissements accueillant les personnes en situation de handicap, quel que soit d’ailleurs leur handicap.
La surdité est un handicap invisible, sensoriel, qui mérite d’être mieux connu et reconnu par le monde du sport, car ce dernier est aussi un moyen de rendre plus visibles les personnes en situation de handicap dans notre société. C’est pour cela que nous investissons des moyens importants : nous voulons réussir les Jeux paralympiques de 2024 et nous voulons aussi permettre une pratique plus démocratique, favorable à toutes les personnes en situation de handicap.
Nous avons donc augmenté le budget qui y est consacré et pendant la crise sanitaire, nous avons rendu possible la pratique du sport sur ordonnance ou par les personnes en situation de handicap, dans des établissements qui étaient fermés au grand public. Cela a permis de créer une dynamique de rencontre entre ces personnes et le monde du sport, y compris les salles de fitness, qui souvent ne les accueillaient pas et qui commencent à leur offrir les mêmes services qu’aux personnes valides.
Enfin, un soutien très fort est également apporté à la haute performance, puisqu’un budget de 20 millions d’euros a été débloqué dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA) pour venir soutenir toutes les personnes pratiquant le sport à haut niveau. Je prends l’engagement, dans ma dernière année au ministère des sports, d’être particulièrement attentive à ce sujet pour l’inclure dans les contrats de délégation des fédérations accueillant les sportifs handicapés.
M. le président.
La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée, mais les Deaflympics sont déjà reconnus internationalement par le CIO. Je m’étonne donc que nous soyons obligés d’attendre que d’autres instances les reconnaissent.
Par ailleurs, les sommes dont nous parlons sont modestes – elles serviraient à reconnaître les athlètes médaillés en leur donnant des primes de résultat, et à soutenir les fédérations qui les encadrent pour leur donner davantage de moyens. C’est un enjeu essentiel pour le sport populaire : vous le savez, l’engagement de nos jeunes dans la pratique sportive dès le plus jeune âge se fait aussi par un phénomène d’identification. Or l’identification à des sportifs de haut niveau sourds ou malentendants ne peut se faire que s’ils sont reconnus et récompensés institutionnellement, et c’est à nous de le faire. Ce n’est pas tant un problème d’argent et de millions d’euros – les sommes sont modestes – qu’un enjeu symbolique. Les sportifs sourds ont besoin d’être reconnus au même titre que les sportifs paralympiques et il est absolument nécessaire que votre ministère en prenne acte, car ils souffrent d’être les derniers à ne pas être reconnus au niveau national. Leur demande est tout à fait légitime et je vous remercie de la prendre en considération.