JORF n°0055 du 5 mars 2017, texte n° 32

Avis sur le droit de vote des personnes handicapées Citoyenneté et handicap : « Voter est un droit, pas un privilège »

NOR: CDHX1702869V

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034134966&dateTexte=&categorieLien=id

(Assemblée plénière – Jeudi 26 décembre – Adoption : à l’unanimité)
1. L’Assemblée nationale a adopté le 22 décembre 2016 le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. La CNCDH regrette que cette loi ait omis d’interroger les dispositions légales entravant le droit de vote des personnes handicapées sous tutelle. On ne relève, en effet, dans cette loi, aucune référence à l’article L. 5 du code électoral, qui prévoit que le juge des tutelles puisse suspendre le droit de vote d’un majeur protégé. Il peut paraître paradoxal qu’une loi traitant expressément de l’égalité entre les citoyens passe sous silence un cas aussi flagrant de rupture d’égalité entre citoyens. La CNCDH a d’ailleurs noté dans son avis « Egalité et citoyenneté » du 7 juillet 2016 (2), que « l’approche exclusivement sociale de la notion de citoyenneté, promue par un projet de loi qui n’aborde pas celle de citoyenneté électorale, tend à vider de son sens la notion globale de citoyenneté, pourtant indissociable d’un projet démocratique fort ». L’occasion de rectifier ces dispositions du code électoral, que la CNCDH juge discriminatoires, avait pourtant été offerte lors des débats parlementaires précédant la loi « Egalité et citoyenneté » : un amendement parlementaire rappelait les positions de la CNCDH et demandait une révision des articles L. 2 et L. 5 du code électoral tendant à exclure « expressément le handicap mental des cas d’incapacité à exercer son droit de vote » (3). La CNCDH regrette que le Gouvernement se soit prononcé contre cet amendement et ait appelé à son retrait (4).
2. Cette situation est d’autant moins satisfaisante qu’elle constitue clairement une discrimination à l’égard des personnes handicapées, au sens où la définit la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, que la France a ratifiée le 18 février 2010 : « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable » (art. 2). L’article 29 de la Convention des Nations unies, qui porte plus précisément sur la participation à la vie politique et la vie publique, ne comporte à cet égard aucune ambiguïté : les Etats parties s’engagent à » faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter et d’être élues ». Dans la mesure où elle a pour mission de s’assurer que les engagements relatifs à cette convention sont respectés dans le droit et dans les faits (art. 33 de la Convention), la CNCDH appelle à l’abrogation de l’article L. 5 du code électoral.
3. Il n’en va pas seulement du respect par la France de ces engagements internationaux : à l’aune des échéances électorales qui se profilent, la mise à parité des citoyens majeurs en matière de droit de vote revêt une urgence particulière pour la légitimité du processus démocratique. Ce d’autant que, si la fiabilité des statistiques fait défaut (5), les estimations révèlent que le nombre de majeurs concernés est considérable : en 2014 la Chancellerie établissait à 679 600 le nombre de majeurs protégés dont 53 % étaient placés sous tutelle. En d’autres termes, plus de 350 000 citoyens français sont aujourd’hui soumis à une évaluation de leur capacité électorale en vertu de l’article L. 5 du code électoral (6). Certes, ces chiffres assimilent des réalités sociales différentes et recoupent, sans les distinguer, personnes dépendantes souffrant de troubles cognitifs liés à l’âge et personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique.
4. Ainsi, connaitre la part du handicap intellectuel dans l’application d’une mesure qui couvre les troubles liés au vieillissement, les troubles psycho-sociaux et diverses formes de vulnérabilité, est malaisé et il ne suffit pas de regretter les carences de l’appareil statistique de l’Etat. Il faut souligner, en effet, que la pauvreté des statistiques reflète la difficulté de fixer les contours d’une catégorie – le handicap intellectuel – qui peut couvrir de nombreuses réalités. A cet égard, plutôt que de s’engager dans un exercice taxinomique un peu vain, la CNCDH invite le Gouvernement à abroger l’article L. 5, purement et simplement, afin de rétablir la citoyenneté dans ses principes fondamentaux, puisque celle-ci doit unir dans la différence, plutôt que diviser par l’exclusion.
5. En effet, au-delà des problèmes de droit qu’il tend à poser, la CNCDH estime que l’article L. 5 du code électoral relaie une préoccupation d’ordre institutionnel, sans considération pour l’importance que le droit de vote revêt pour l’individu : en démocratie il est un gage important de dignité. Les témoignages du monde associatif sont unanimes en ce sens : l’accès au droit de vote crée un sentiment d’existence civique, et, plus généralement, d’inclusion sociale ; la suspension du droit de vote est, quant à elle, hautement stigmatisante. On ne peut pas d’un côté affirmer que les personnes handicapées sont des citoyens comme les autres et, de l’autre, leur retirer l’attribut le plus emblématique de la citoyenneté.
6. En conséquence, la CNCDH entend, par cet avis, souligner la nécessité de garantir la citoyenneté des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique (I) et suggérer des mesures qui permettraient de construire la citoyenneté de chacun, en rendant les urnes accessibles à tous (II).
I. – Droit de vote des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique : repenser la démocratie et la citoyenneté
A. – Le cadre fixé par la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées remet en cause la dimension capacitaire de notre démocratie
7. La CNCDH note que les lois du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (7), et du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (8), ont permis de réaliser des progrès significatifs en matière de participation politique des personnes handicapées (9). Alors qu’auparavant, le droit de vote était retiré automatiquement dans le cadre d’une mise sous tutelle, désormais, le droit de vote ne peut être retiré que sur décision expresse du juge. Cette évolution a été interprétée comme un progrès ; elle rejoignait la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, par l’arrêt Hirst c. Royaume-Uni de 2005, jugeait que « le droit de vote ne constitue pas un privilège. Au xxie siècle, dans un Etat démocratique, la présomption doit jouer en faveur de l’octroi de ce droit au plus grand nombre » (10). Dans la lignée de cette conception de la démocratie, la Cour européenne des droits de l’homme jugeait, dans l’arrêt Alajos Kiss c. Hongrie, qu’il « est contestable de traiter les personnes atteintes de handicaps intellectuels ou psychiques comme un groupe unique, et la limitation de leurs droits doit être soumise à un contrôle rigoureux » (11). Aussi l’Etat devrait-il avoir « des raisons très solides » pour appliquer une restriction du droit de vote (12).
8. Si le raisonnement de la Cour européenne a pu apparaitre comme constituant un progrès en matière des droits des personnes handicapées, il n’en continue pas moins d’appuyer une conception capacitaire du suffrage, selon laquelle le droit de vote doit être conditionné à une certaine compétence électorale. Or, cette conception est préjudiciable au plein exercice de leur citoyenneté par les personnes vivant avec un handicap intellectuel, puisque celles-ci sont soumises à un test de compétence dès lors que, pour des raisons diverses, parfois éloignées de la politique comme par exemple l’incapacité à gérer son patrimoine, elles sont soumises à une mesure de tutelle. De ce point de vue, la CNCDH s’accorde avec le Défenseur des droits pour considérer que l’article L. 5 du code électoral porte atteinte à l’article 29 de la Convention des Nations unies déjà cité (13).
9. En 2013, le Comité des droits des personnes handicapées institué au titre de l’article 34, chargé d’assurer le suivi de l’application de la Convention des Nation unies, a tenu à lever toute ambiguïté au sujet de cet article : commentant les dispositions de la constitution hongroise qui prévoyait qu’une personne sous tutelle devait être automatiquement radiée des listes électorales, le Comité s’est prononcé en faveur d’une interprétation stricte de l’article 29 de la Convention des Nations unies. Il a ainsi estimé que « restreindre le droit de vote en raison d’un handicap constitue une discrimination directe […]. Cela est également le cas pour les classifications qui visent des sous-catégories spécifiques de personnes handicapées, comme les personnes sous tutelle » (14), ajoutant que « l’article 29 ne prévoit aucune restriction raisonnable et n’autorise d’exception pour aucune catégorie de personnes handicapées. En conséquence, un retrait du droit de vote au motif d’un handicap psychosocial ou intellectuel réel ou perçu, y compris une restriction fondée sur une évaluation individualisée, constitue une discrimination fondée sur le handicap, au sens de l’article 2 de la Convention. » (15)
10. Au-delà du rappel des principes – l’universalité et l’inaliénabilité du droit de vote -, la CNCDH souhaite appeler l’attention sur le fait que reconnaitre « l’incapacité » intellectuelle de certains ne relève pas d’un réalisme sain, mais de préjugés anciens. En effet, la CNCDH voudrait rappeler qu’avant de constituer un argument « pragmatique », l’exclusion politique des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique est un réflexe ancré dans la pensée démocratique issue des Lumières. De l’analogie entre l’enfant et l’« idiot » chez John Locke, qui soumet la jouissance de la liberté à la capacité de penser, aux constituants de l’an III, qui privent de « l’exercice des Droits des citoyens » les gens frappés de « fureur, de démence ou d’imbécilité » (16), l’idée que la participation politique est une charge qui ne peut être confiée à des « irresponsables » – majeurs et mineurs confondus – est largement répandue. Une telle conception – dont on sait, par ailleurs, qu’elle a contribué à exclure les femmes de la citoyenneté – se manifeste aujourd’hui dans l’article L. 5 du code électoral. Or, le « pragmatisme », que l’on invoque au nom du maintien des dispositions du code électoral, joue plutôt en faveur de son abolition, car, concrètement, il est impossible de définir un seuil de déficience intellectuelle en-deçà duquel un citoyen serait « incapable » de voter, tout comme il est impossible d’établir des critères d’évaluation.
B. – L’impossible évaluation
11. La CNCDH rappelle qu’aujourd’hui, en France, ni seuil, ni critères ne sont clairement énoncés par les textes : l’appréciation de la capacité électorale est laissée à l’exercice subjectif et solitaire du juge des tutelles, qui n’a pour tout appui extérieur, qu’un certificat médical dans lequel le droit de vote apparait souvent en termes laconiques. L’absence de dispositions établissant la procédure à suivre pour l’évaluation de la capacité électorale pose un problème de sécurité juridique. C’est ce qu’avait soulevé une cour fédérale américaine, dans l’arrêt Doe v. Rowe de 2001, en jugeant que faute de critères clairs et objectifs dans l’évaluation de l’incapacité électorale, celle-ci portait atteinte au principe de due process prévu par le 14e amendement de la constitution des Etats-Unis (17).
1. L’impossible évaluation médicale
12. Le contexte français pose un problème similaire, puisque contrairement à ce qu’affirme la direction des affaires civiles et du sceau dans sa directive du 9 février 2009 (18), l’article 1219 du code de procédure civile n’encadre pas « avec précision » le contenu du certificat médical circonstancié adressé au juge des tutelles. Le texte se borne à indiquer que le médecin « précise les conséquences de cette altération sur […] l’exercice de son droit de vote » (art. 1219 C proc. civ.). Faute d’autre texte plus spécifique, on ne saurait considérer que les certificats sont précisément encadrés. Aussi, les critères utilisés et les questions posées sont-ils laissés à la discrétion des médecins, alors même que certains se disent d’ailleurs incompétents pour juger de la capacité électorale (19). Nécessairement, l’appréciation de cette capacité varie selon le type de spécialiste sollicité, mais également selon la sensibilité personnelle du praticien et le contexte social dans lequel il rencontre son patient (20). Les catégories employées pour décrire la condition intellectuelle et psychique du majeur protégé peuvent également varier considérablement (21). La CNCDH considère que des documents ainsi produits ne sauraient satisfaire le principe d’égalité, puisqu’ils soumettent le destin électoral des personnes mises sous tutelle au hasard de la liste des médecins du procureur.
13. Le problème est d’ailleurs insoluble, car, dès lors que le législateur voudrait clarifier les critères médicaux déterminant la capacité à formuler un jugement personnel en matière électorale, il se trouverait confronté aux incertitudes de la médecine elle-même. En effet, les formulaires d’évaluation expérimentés aujourd’hui révèlent de très nombreuses limites, qui tiennent en grande partie à la difficulté de caractériser le choix électoral lui-même (22). Si les réflexions des psychiatres américains Paul Appelbaum, Richard Bonnie et Jason Karlawish, qui se sont penchés sur l’idée d’un test de capacité à la suite du cas Doe v. Rowe (23), mettent en évidence que les médecins peuvent fixer des critères visant à estimer la capacité à faire un choix et exprimer un avis, ils ne sauraient en aucun cas suggérer un seuil à partir duquel une personne doit être jugée incapable de voter (24).
14. Un arbitrage de cette nature s’avère d’autant plus problématique, que des expérimentations effectuées en France aujourd’hui ont fait apparaitre qu’un nombre non négligeable de personnes libres de toute mesure de tutelle et jouissant pleinement de leurs droits civiques obtiennent des scores particulièrement « bas » à ce genre d’évaluation (25). N’appliquer qu’aux seules personnes sous tutelle « un permis de voter » de cette nature, alors même que des personnes libres de toute protection seraient susceptibles d’y « échouer », constitue ainsi une grave atteinte au principe d’égalité. La suite logique de ce constat s’impose : le législateur doit soit étendre le « permis de voter » à toute la population, soit y renoncer pour toute la population.
2. L’appréciation judiciaire subjective et solitaire
15. Le certificat médical n’étant que consultatif, l’évaluation dépend également des critères et des seuils appliqués par le juge, qui ne sont pas, non plus, définis par les textes. Il est révélateur et préoccupant, à ce titre, que beaucoup de juges se considèrent incompétents pour évaluer objectivement la capacité intellectuelle d’une personne (26). Certains tendent à suivre le certificat médical, mais, pour d’autres, l’audition judiciaire reste le moment déterminant de l’évaluation. D’autres, estimant qu’ils sont avant tout les garants des libertés individuelles, se posent en contre-pouvoir vis-à-vis du médecin dans le cadre de l’audition judiciaire. L’emploi que font les juges du certificat médical n’est donc, à l’évidence, pas homogène.
16. En outre, les juges ne bénéficient d’aucun conseil circonstancié émanant du ministère de la justice. Certes, l’Ecole nationale de la magistrature a suggéré des questions à l’usage des juges des tutelles, telles que : « Qui est le président de la République ? », mais l’approche est discutable : toutes les élections ne sont pas présidentielles et il n’est pas établi que connaitre le président d’aujourd’hui préjuge de la capacité de voter pour celui de demain. Elle n’est d’ailleurs pas systématiquement utilisée pour éviter qu’elle ne soit perçue comme humiliante par certains majeurs auditionnés (27). Le fascicule remis aux juges des tutelles par l’ENM, quant à lui, est muet quant aux critères à appliquer, avertissant simplement « qu’il reste aux juges des tutelles à être vigilants et, lors de l’audition de la personne à protéger, à rechercher si, en dépit de l’altération des facultés, n’existe pas un intérêt profond pour la politique, au plan local ou national ». Aussi, dans la pratique, la posture des juges des tutelles ainsi que la méthode adoptée pour parvenir à une décision sur la question du droit de vote varient-elles d’un magistrat à l’autre, au point de ne plus présenter aucune sorte d’objectivité.
17. En fait, la question du droit de vote parait souvent auxiliaire au juge dans la mise en place d’une mesure de protection qui brasse, en l’espace d’une demi-heure d’audition, un nombre important d’enjeux vitaux pour la personne (28). Il arrive d’ailleurs que le juge d’instance oublie de statuer sur le droit de vote ; ceci revient certes au maintien du droit depuis la loi de 2007 (29), mais l’éventualité de cet oubli indique également que le droit de vote tient une place mineure en temps et en attention dans le cadre de l’entretien (30). Peut-on croire, dans ces conditions, que la sensibilité de la personne protégée à la participation politique soit sondée de manière appropriée ? Il faut noter, de surcroît, que le contexte dans lequel se déroule l’entretien avec le juge des tutelles – au tribunal – peut être anxiogène pour les personnes ayant certains types de handicap (31). Malgré toutes les précautions prise par les juges des tutelles qui sont conscients de cette situation, on peut aisément imaginer que certaines personnes handicapées ne parviennent pas à faire état de l’étendue de leur connaissance et de leur attachement à l’acte de voter.
18. Ceci explique que dans les deux cas de recours dont la CNCDH a connaissance, auprès des cours d’appel de Riom et de Dijon, les juges ont annulé la décision prise en tribunal d’instance et rétabli le droit de vote des plaignants. Il peut être utile de citer les motifs avancés par les magistrats dans ces affaires. A Dijon, le juge a considéré que :
« M. M… présente certes un déficit intellectuel majeur non évolutif depuis de nombreuses années. Pour autant, son droit de vote a été maintenu pendant les vingt-cinq premières années de sa tutelle. Rien ne justifie que ce droit civique lui soit aujourd’hui retiré alors que – ainsi que l’a confirmé son éducatrice interrogée sur ce point à l’audience – il manifeste un intérêt profond pour la politique, suivant avec passion à la télévision les débats en ce domaine. » (32)
Les arguments avancés ici par le juge ne sont pas directement liés à l’évaluation de la capacité du plaignant. Le magistrat semble considérer que cette capacité est implicitement prouvée par l’intérêt exprimé pour la politique – alors que Paul Appelbaum, par exemple, invite à séparer intérêt et capacité (33) – et la situation antérieure dont jouissait l’auteur du recours.
19. A la cour d’appel de Riom, le juge va jusqu’à contester l’avis médical que le juge d’instance avait suivi, et motive ainsi sa décision :
« A l’audience M. B… a exprimé le souhait de conserver son droit de vote, Mme G. sa mandataire judiciaire, a déclaré ne pas avoir réalisé que la suppression de ce droit le choquerait autant, et avoir constaté qu’en fait il était tout à fait capable de l’exercer, même si cela devait lui prendre beaucoup de temps, l’éducatrice de M. B… a confirmé ses propos. (34)
Aux termes de l’article 415 du code civil, la protection des personnes majeures est assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne ; elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée ; elle favorise dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci.
Il convient en l’espèce […] de faire droit à la demande de M. B… et de lui permettre de conserver son droit de vote. » (35)
20. Faute d’avoir connaissance d’autres cas de cette nature, la CNCDH ne saurait affirmer que le rétablissement du droit de vote est une opération systématique quand un majeur protégé fait appel de la décision du juge d’instance. Elle souligne cependant que le nombre de cas de personnes sous protection se voyant retirer le droit de vote contre leur gré est difficile à estimer, dans la mesure où tous ne donnent pas lieu à un recours : pour les familles, faire appel d’une décision du juge des tutelles n’est pas chose aisée. En effet, la peur que la tutelle leur soit retirée en cour d’appel, décourage certains parents de s’engager dans un recours. D’autant que la question du vote leur parait également auxiliaire comparée à l’importance que constitue l’ensemble des autres dispositions relatives à la mesure de protection et le désir de demeurer auprès de leur enfant au quotidien (36).
C. – L’influençabilité : un argument paradoxal, qui ne tient pas à l’épreuve des faits
21. En dépit du caractère arbitraire que revêt toute évaluation conduisant à la suspension ou au maintien du droit de vote, certains interlocuteurs de la CNCDH se sont prononcés en faveur du maintien de l’article L. 5. Ils invoquent notamment les risques que l’incapacité pourrait faire peser sur l’intégrité du processus électoral et la sincérité du scrutin. En effet, les parents et auxiliaires de vie qui accompagnent les personnes handicapées pourraient faire pression sur le majeur protégé afin qu’il vote comme eux. Cette éventualité ferait peser un danger sur l’intégrité du processus électoral (37). Lors d’élections locales en particulier, les communes accueillant une institution à destination de personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique pourraient voir les majorités municipales basculer à la faveur d’un entourage prosélyte. Cette crainte n’apparait pas sans fondement, car dans une étude consacrée au vote des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique lors du référendum écossais, il est apparu que les parents exerçaient une influence décisive sur leurs enfants handicapés, au point que certaines familles n’hésitaient pas à considérer qu’elles avaient « une voix en plus » (38). La suspension du droit de vote au nom de l’influençabilité apparaîtrait dès lors comme un principe de réalité.
22. Pourtant la notion d’« influençabilité » ou « d’être influençable », si elle est largement usitée dans les tribunaux d’instance, n’est définie par aucun texte. Plus encore, l’emploi du terme pose un problème d’ordre ontologique, car si l’on s’en tient à son acception générale, reprocher « l’influençabilité » revient à reprocher à la démocratie sa nature même. La politique est un exercice d’influence : une campagne électorale se fonde sur l’espoir que les électeurs peuvent se laisser convaincre. En effet, la stratégie de communication déployée par les candidats dans le cadre d’une campagne électorale investit largement le champ des émotions et des réactions psychologiques. Dans cet ordre d’idée, des électeurs n’ayant pas de déficience intellectuelle ont pu se sentir victimes d’influences abusives au cours de campagnes électorales. C’est en particulier le cas de centaines de milliers de « brexiters » qui, jugeant avoir « mal voté » à l’occasion du référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne (39), ont accusé la campagne « Leave » de les avoir manipulés au moyen d’arguments persuasifs, mais dépourvus de fondement factuel (40). D’une manière générale le développement du « décodage » dans certains organes de presse révèle que des personnes dont la rationalité est pourtant reconnue, ne sont pas toujours en mesure de faire des choix informés.
23. Dans les études consacrées à ce sujet, il apparait que les risques que l’incapacité et l’influençabilité des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique feraient peser sur la sincérité du scrutin ne sont pas avérés. Déjà dans les années 1970, des simulations faites auprès de personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique hébergées dans des institutions médicalisées de l’Etat de New York et du Maryland avaient révélé que les résultats électoraux obtenus au sein des institutions étudiées étaient en cohérence avec ceux des circonscriptions auxquelles elles appartenaient (41). Plus récemment, en Grande-Bretagne, où le droit de vote ne peut être retiré au motif de l’incapacité, la Commission électorale fait état d’un nombre insignifiant de cas signalés de fraude présumée au titre du principe d’undue influence (influence abusive) (42) (43). Certains chercheurs soulignent plus volontiers que les problèmes d’undue influence s’observent au sein des communautés immigrées où des facteurs « structurels » – faible maîtrise de la langue anglaise, dépendance économique, sécurisation insuffisante du vote – et « culturels » – relations communautaires, ascendant des hommes plus âgés, manque de culture de l’engagement partisan – rendent les femmes et les jeunes vulnérables aux injonctions électorales (44). Aussi ressort-il des analyses américaines et britanniques que l’impact sur la sincérité du scrutin de l’ouverture du droit de vote aux personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique serait faible, voire nul.
24. Ainsi, la CNCDH estime qu’il ne peut exister de mode d’évaluation de la capacité électorale qui soit solide ou raisonnable. Il est manifeste qu’en matière d’évaluation, l’arbitraire prévaut aujourd’hui en France. Il serait vain de s’efforcer de préciser les modalités d’évaluation, car aucun critère et aucun seuil de capacité satisfaisant ne peut être objectivement établi. Si l’on s’inquiète du manque de capacité de certains électeurs, la CNCDH estime, au contraire, qu’il serait plus utile de faciliter et d’accompagner l’accès aux urnes, car, pour les personnes handicapées comme pour tous, la citoyenneté se construit à la faveur de son exercice.
II. – Mieux garantir les modalités d’exercice de la citoyenneté
25. La CNCDH, considérant que la participation politique est non seulement un droit fondamental, mais également une condition du bien-être social, invite le Gouvernement et le Parlement à approfondir leurs efforts pour renforcer la participation des personnes handicapées, à l’aune des élections présidentielles à venir. Il s’agit de prendre les mesures nécessaires à la construction de la citoyenneté des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique à parité avec tous les Français, par le renforcement des efforts d’accompagnement des personnes et d’accessibilité des urnes.
A. – Chez les personnes handicapées aussi, la citoyenneté se construit
26. La CNCDH se félicite, à ce titre, de ce que le ministère de l’éducation nationale a pris acte de la capacité universelle des enfants à apprendre la démocratie. Le principe directeur de la loi de 2012 pour la refondation de l’école de la République veut que « tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » (art. L. 111-1 du code de l’éducation). Corrélée à ce principe, la création des Unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) donne aux élèves ayant une déficience intellectuelle, comme à tous les autres enfants, accès au « Socle commun de compétences » – dont l’éducation civique est une part importante (45) -, en conformité avec le concept d’école inclusive inscrit dans la Convention des Nations unies (art. 24 al. 2) (46). Aujourd’hui, 111 735 élèves atteints de troubles intellectuels et cognitifs sont scolarisés en milieu ordinaire – classe ordinaire et ULIS -, 36 796 élèves de cette catégorie restent scolarisés en milieu spécialisé – hospitalier ou médico-social (47). En d’autres termes, une majorité d’enfants vivant avec un handicap intellectuel sont journellement exposés aux questions de vivre ensemble et de vie collective inhérentes au milieu scolaire, qui se posent avec d’autant plus d’acuité aux élèves handicapés faisant le constat de leur « différence ». Or, on peut à ce titre lire un désaccord entre l’esprit de la loi de réforme de la protection juridique des majeurs de 2007, qui rend la citoyenneté précaire pour les personnes vivant avec un handicap intellectuel, et la réforme de 2012, qui renforce le sentiment d’appartenance citoyenne chez tous les élèves.
27. Entre un système éducatif qui cultive le sens civique de tous les enfants, y compris les enfants en situation de handicap, et la justice des tutelles qui, sur la base d’une évaluation ponctuelle, peut retirer le droit de vote aux jeunes adultes handicapés, il semble qu’il faille choisir. La CNCDH, pour sa part, considère que l’exercice du droit de vote s’inscrit dans la continuité de l’apprentissage du métier de citoyen dont l’école fournit les bases. Refuser le droit de vote revient à condamner cet apprentissage, pourtant inscrit au frontispice des principes de la République.
28. La CNCDH invite à soutenir l’idée que l’on peut et qu’il faut, pour l’ensemble des citoyens, « rendre capable » de voter. De nombreux pays européens favorisent déjà des initiatives en ce sens, notamment ceux d’entre eux qui ne pratiquent aucune mesure de restriction du vote des personnes handicapées comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède, l’Italie, l’Autriche, la Croatie, la Lettonie. On peut y trouver des associations qui s’efforcent de promouvoir le débat et l’expression des préférences politiques auprès des personnes vivant avec un handicap intellectuel, par l’organisation de groupes de discussion, l’élection de délégués, l’organisation de rencontres avec des responsables politiques (48). Il s’agit de faire en sorte que la politique reste un horizon constant, pour que, le jour des élections arrivé, voter ne soit pas vécu comme une nouveauté intimidante. Combien de personnes handicapées intellectuelles dites « désintéressées » par le juge des tutelles seraient-elles en mesure d’exprimer leur appétence pour la politique lors de l’audition, si la politique faisait partie de leur quotidien ? En France, nombreuses aussi sont les associations qui travaillent à sensibiliser les personnes handicapées intellectuelles au débat public (49) : il s’agit de les accompagner, de leur prêter main forte, plutôt que de saboter leurs efforts en semant d’embûches juridiques le chemin vers les urnes.
B. – L’accessibilité est la condition de la formation des citoyens, non pas l’inverse
29. La restriction du droit de vote apparait d’autant plus contreproductive, que, comme le rappelait Maurice Agulhon, historien de la Seconde République et scrutateur du suffrage universel masculin, « l’apprentissage de la République » n’a pas précédé le vote en France ; il en est le fruit. « Disposer du droit de vote et en user, c’est apprendre à s’en servir, donc apprendre à discuter, à débattre des affaires publiques, à faire de la politique enfin » (50). A cet égard, l’accessibilité reste, pour tous, la condition de l’apprentissage de la citoyenneté, et à plus forte raison pour les personnes handicapées qui sont confrontées à des difficultés supplémentaires.
30. Dans son rapport au Comité des droits des personnes handicapées, le Gouvernement français rappelle que « le handicap physique semble assez largement pris en compte pour l’accessibilité des locaux » (51), mais il reconnait lui-même « [qu’]en revanche, le handicap intellectuel n’est pas traité et le handicap visuel n’est que rarement pris en compte, malgré les recommandations formulées en 2012 par le groupe de travail constitué par le Défenseur des droits » (52). Il faut également regretter la barrière qu’opposent non pas seulement les aspects matériels du processus électoral, mais l’indifférence ou la méfiance que l’entourage et les intervenants de bureau de vote peuvent faire peser sur les électeurs en situation de handicap. Les outils existent pourtant, sous la forme, par exemple, des mémentos à l’usage des candidats, des organisateurs de scrutin et de « tous les citoyens concernés » produits par le ministère des affaires sociales et de la santé (53). Il s’agit donc de porter effectivement ces documents à la connaissance des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique, y compris au moyen de dispositions légales et règlementaires : à titre d’exemple, l’affichage d’une charte des droits de l’électeur en situation de handicap dans les bureaux de vote, écrite en gros caractères et en FALC (« Facile A Lire et à Comprendre »), pour informer les personnes handicapées de leur droits, et sensibiliser les assesseurs ; l’inclusion d’une photographie du candidat ou de la tête de liste sur les bulletins de vote ; l’installation de languettes en braille devant chaque pile de bulletins à l’usage des personnes malvoyantes ; la constitution d’un service consacré à la mise en accessibilité des informations électorales, suivant le modèle de la Citizen Information Board (Conseil d’information au citoyen) en Irlande (54).
31. La CNCDH propose de soumettre une partie du remboursement des frais de campagne à l’emploi effectif de ces techniques d’accessibilité. Ainsi, des dispositions plus contraignantes pourraient également être prises pour obliger les candidats aux élections à rendre leur propagande, leurs sites internet, leurs interventions publiques accessibles à tous. Cette exigence serait d’autant plus raisonnable que les candidats peuvent bénéficier de l’appui de prestataires proches du réseau associatif français (55) et s’inspirer des nombreuses bonnes pratiques qui existent à l’étranger : bien qu’aucune loi spécifique ne l’impose, les candidats en campagne en Finlande, en Allemagne ou en Espagne proposent des versions FALC de leurs programmes (56). En Grande-Bretagne les candidats aux élections locales et parlementaires interviennent volontiers auprès des électeurs ayant un handicap intellectuel, sur invitation d’associations telles que Promote the vote ou Learning Disability Alliance Scotland (Alliance écossaise pour le handicap intellectuel), afin que chacun puisse entendre les idées de l’orateur et poser des questions dans des termes adaptés à ses facultés de compréhension (57).
32. Grâce à la création de conditions favorables à la compréhension des enjeux politiques par les personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique, on peut espérer que ces dernières se découvrent une appétence pour le débat public, d’une part, et viennent à exercer un vote de mieux en mieux informé, d’autre part. Considérant l’importance que revêt le droit de vote pour le sentiment d’inclusion sociale, il ne serait d’ailleurs pas étonnant que les citoyens que l’on juge aujourd’hui incapables, se révèlent, à la faveur de la suspension de l’article L. 5 du code électoral, les électeurs les plus consciencieux de demain.
33. La CNCDH souligne que le lien social est la meilleure garantie de l’accessibilité des urnes. En d’autres termes, la sensibilisation de l’entourage des personnes handicapées – et de leur mandataire judiciaire dans le cas du handicap intellectuel – est un facteur déterminant de la participation politique des personnes handicapées (58) (59). L’objectif que devrait se fixer le législateur ne devrait pas être d’interdire aux personnes handicapées sous tutelle de voter, mais de réfléchir aux mesures d’accompagnement utiles pour les mettre en mesure de voter.
34. Aussi, plutôt que d’introduire de nouvelles dispositions techniques, la CNCDH invite-t-elle le Gouvernement à insuffler de l’humain dans le parcours électoral des personnes handicapées, à l’aide d’un effort de sensibilisation, afin que chacun s’applique à imaginer des solutions empiriques aux obstacles qu’ici et là une personne handicapée pourra rencontrer dans l’exercice de son droit. Il pourra être utile, à cet égard, de ne pas considérer que l’aide d’une tierce personne, souvent nécessaire à l’électeur handicapé, soit nécessairement contraire au principe d’autonomie de l’électeur et de la confidentialité de son vote. Il pourrait même être utile d’envisager les conditions par lesquelles tout électeur handicapé soit autorisé à être accompagné jusque dans l’isoloir, de manière analogue aux dispositions de l’article L. 64 du code électoral.
35. Quoi qu’il en soit, une pédagogie citoyenne qui valoriserait la participation de tous, dans le respect de la diversité des conditions physiques, mentales et intellectuelles, ne bénéficierait pas seulement aux personnes handicapées, mais à l’ensemble des citoyens, vulnérables ou non. Le législateur qui, à l’appui des préjugés, a maintenu un suffrage partiel, oublie que le vote n’est pas seulement un mécanisme institutionnel : il est d’abord la rencontre du corps civique avec lui-même, un rituel social qui consacre la liberté d’opinion et le droit à la différence.
III. – Recommandations
A. – L’abrogation des dispositions du code électoral restreignant le droit de vote des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique
36. La CNCDH estime qu’on ne peut exclure certains citoyens du suffrage sans en vicier le sens profond et priver les personnes en situation de handicap de leur citoyenneté. La commission recommande à ce titre l’abrogation de l’article L. 5 du code électoral.
B. – Des mesures tendant à faciliter la construction de la citoyenneté chez les personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique
37. La CNCDH invite à l’adoption de mesures immédiates en vue de sensibiliser l’entourage des personnes handicapées, ainsi que les autorités et les agents en charge du processus électoral – collectivités territoriales, administrations préfectorales, justice d’instance, assesseurs des bureaux de vote – à l’importance de la participation politique des personnes handicapées :
– la distribution de documents de formation à l’usage des travailleurs du secteur médico-social et des familles ayant la charge d’un majeur protégé ;
– la production d’une affiche officielle et obligatoire dans les bureaux de vote rappelant le droit des personnes handicapées et reprenant les préconisations adressées par le Défenseur des droits. L’affiche sera accompagnée d’illustration et d’un texte facile à lire et à comprendre ;
– la révision de l’article L. 64 du code électoral afin que les personnes en faisant la demande auprès du juge d’instance puissent être autorisées à être accompagnées par la personne de leur choix dans l’isoloir.
38. La CNCDH invite à la mise en place d’une législation contraignante permettant de renforcer l’accessibilité des campagnes électorales :
– rendre obligatoire la publication de versions FALC de la propagande électorale ;
– conditionner l’attribution de fonds de campagne à l’accessibilité des sites internet des candidats : FALC, langue des signes, version audio et vidéo des textes, à l’image de ce qui se fait à l’étranger ;
– rendre obligatoire la pleine accessibilité des réunions publiques des candidats et la tenue d’un nombre minimum de réunions dans un format adaptés aux personnes en situation de handicap.
39. La CNCDH invite instamment le Gouvernement et le Parlement à élaborer des outils statistiques qui permettraient aux services publics d’affiner leurs diagnostics et de mieux cibler leur action. Il s’agit, de manière générale, d’avoir une meilleure connaissance du paysage français de l’accessibilité.
IV. – Liste des personnes auditionnées
Antoine Bosquet, médecin interne à l’hôpital Louis-Mounier, audition du 4 janvier 2017 ;
Evelyne Friedel, avocate, vice-présidente d’Autisme-Europe, audition du 8 novembre 2016 ;
Anne-Sarah Kertudo, avocate, directrice du diplôme universitaire « Le handicap dans l’accès au droit » à l’université catholique de Lyon, membre de l’association Droit Pluriel, audition du 4 janvier 2017 ;
Pascal Lefebvre, juriste et formateur spécialisé dans le secteur social et médico-social, membre de l’association Droit Pluriel, audition du 4 janvier 2017 ;
Vanessa Lepeu, juge d’instance au tribunal d’instance de Montreuil, audition du 4 janvier 2017 ;
Colin Menabney, président d’ENABLE Glasgow, audition du 28 novembre 2016 ;
Henri Nickels, chef de la section égalité de l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux, audition du 8 novembre 2016 ;
David Noguéro, professeur agrégé des facultés de droit, audition du 28 novembre 2016 ;
Diane Willis, professeur à la Napier University d’Edimbourg, département de la santé et de l’assistance sociale, audition du 28 novembre 2016.

1 Selon la formule de la Cour européenne des droits de l’homme. Cour EDH, Hisrt c. Royaume-Uni n° 2 (GC), n° 74025/01, arrêt du 6 octobre 2005.

2 http://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-le-projet-de-loi-egalite-citoyennete

3 Projet de loi Egalité citoyenneté (1re lecture), proposition d’amendement n° 542 du 22 septembre 2016 présenté par Mme Archimbaud et les membres du Groupe écologiste.

4 Lors de la séance du 14 octobre 2016 le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports s’est dit défavorable à l’amendement, au nom du Gouvernement, en arguant que les dispositions de l’article L. 5 du code électoral étaient « suffisantes pour garantir l’effectivité des droits civiques de ce public, de mieux en mieux accueilli par les communes ».

5 La CNCDH, en chœur avec d’autres institutions, telle que l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (audition de Henri Nickels à la CNCDH, le 9 novembre 2016), regrette que les statistiques en la matière soient si parcellaires. La CNCDH demande avec instance la mise en place d’un appareil statistique systématique en matière de handicap.

6 Cour des comptes, La protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, septembre 2016, pp. 25 et 27.

7 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le texte est notamment venu modifier l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que la solidarité de la collectivité nationale consiste à garantir « l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté » (art. L. 114-1 al. 1).

8 Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

9 Mélanie Lopez, « Handicap et citoyenneté : du droit de vote à l’éligibilité des personnes en situation de handicap », Revue de droit sanitaire et social, 2013, n° 5 (septembre-octobre), p.919.

10 Cour EDH, Hisrt c. Royaume-Uni n° 2 (GC), n° 74025/01, arrêt du 6 octobre 2005, §58.

11 Cour EDH, Alajos Kiss c. Hongrie, n° 38832/06, arrêt du 20 mai 2010.

12 Cour EDH, Alajos Kiss c. Hongrie, n° 38832/06, arrêt du 20 mai 2010.

13 Défenseur des droits, Rapport sur la protection juridique des majeurs vulnérables, septembre 2016, p.41.

14 Communication n° 4/2011 adoptée le 2-13 septembre 2013.

15 Communication n° 4/2011, §9-4 – Constatations adoptées à sa dixième session – 2-13 septembre 2013.

16 Article 13 1° de la Constitution du 5 fructidor an III.

17 Doe v. Rowe, 156 F. Supp.2d 35 (D. Me. 2001). La cour appelait à ce que « le manque de capacité à comprendre la nature et les effets du vote, de sorte que [les individus visés par une suspension du droit de vote] ne puisse pas effectuer un choix individuel » soit attesté avec précision avant qu’une suspension du droit de vote ne soit prononcée.

18 Circulaire de la DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009 relative à l’application des dispositions législatives et réglementaires issues de la réforme du droit de la protection juridique des mineurs et des majeurs.

19 Audition d’Antoine Bosquet à la CNCDH, le 4 janvier 2017.

20 Benoît Eyraud, Protéger et rendre capable : La considération civile et sociale des personnes très vulnérables, Toulouse, Erès, 2013, p. 160

21 Ibid. p. 162

22 Audition d’Antoine Bosquet à la CNCDH, le 4 janvier 2017

23 Paul S. Appelbaum, Richard J. Bonnie, Jason H. Karlawish, « The Capacity to Vote of Persons With Alzheimer’s Disease », American Journal of Psychiatry, vol. 162, n° 11, 2005, pp. 2094-2100. Sous le nom Competence assessment tool for voting (CAT-V), Appelbaum, Bonnie et Karlawish élaborent un formulaire en tête duquel sont repris les trois critères retenus par la cour fédérale du Main : 1. « Le sujet comprend-t-il la nature de l’acte de voter » ? 2. « Le sujet comprend-t-il les effets du vote » ? 3. « Le sujet est-il en mesure d’exprimer un choix » ? Chaque réponse à ces questions est « notée » entre 0 et 2.

24 Paul S. Appelbaum, Richard J. Bonnie, Jason H. Karlawish, « The Capacity to Vote of Persons With Alzheimer’s Disease », American Journal of Psychiatry, vol. 162, n° 11, 2005, pp. 2094-2100, p. 2098

25 Audition du Dr. Antoine Bosquet dans les locaux de la CNCDH, le 4 janvier 2017.

26 Benoît Eyraud, précit., p. 166

27 Audition de Vanessa Lepeu à la CNCDH, le 4 janvier 2017

28 Audition de Vanessa Lepeu à la CNCDH, le 4 janvier 2017

29 Circulaire de la DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009 relative à l’application des dispositions législatives et réglementaires issues de la réforme du droit de la protection juridique des mineurs et des majeurs.

30 Audition de Vanessa Lepeu à la CNCDH, le 4 janvier 2017

31 Audition de Fabienne Litzler à la CNCDH, le 4 septembre 2014, pour l’Avis sur le consentement des personnes vulnérables adopté le 16 avril 2015.

32 Arrêt de la Cour d’appel de Dijon, 6 juin 2012, n° 12/00220

33 Paul S. Appelbaum, Richard J. Bonnie, Jason H. Karlawish, « The Capacity to Vote of Persons With Alzheimer’s Disease », American Journal of Psychiatry, vol. 162, n° 11, 2005, pp. 2094-2100, p. 2098

34 Cité dans Michel Blatman, Etude de l’effet direct des stipulations de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, Rapport au défenseur des droits, décembre 2016, p. 358.

35 Idem, p. 358.

36 Audition de Madame Evelyne Friedel à la CNCDH, le 8 novembre 2016.

37 Entretien avec David Noguéro, le 24 novembre 2016.

38 Diane S. Willis, Isla McGlade, Mark Gallagher, Colin Menabney, « Voting and the Scottish referendum : perspectives of people with intellectual disabilities and their family and paid cairers », Disability and society, vol. 31, n° 7, pp. 914-928, p. 921.

39 « Brexit research suggests 1.2 million Leave voters regret their choice in reversal that could change result (Des recherches portant sur le Brexit suggèrent que 1,2 million de personnes ayant voté pour leave regrettent leur choix ; un chiffre qui changerait le résultat du référendum », The Telegraph, 1er juillet 2016 (consulté en ligne le 22 décembre 2016 : www.independent.co.uk/news/uk/politics/brexit-news-second-eu-referendum-leave-voters-regret-bregret-choice-in-millions-a7113336.html).

40 « Brexit voter says her vote was made on “false premise” and was the wrong decision (Une brexiter dit avoir exprimé son vote sur des fondements erronés et avoir pris la mauvaise décision) », The Telegraph, 27 juin 2016, (consulté en ligne le 22 décembre 2016 : www.independent.co.uk/news/uk/home-news/brexit-bregret-bregrexit-vote-leave-latest-eu-referendum-petition-a7105151.html).

41 Paul S. Appelbaum, « “I vote. I count” : Mental Disability and the Right to Vote (“Je vote, je compte” : handicap mental et droit de vote) », Psychiatric Services, vol. 51, n° 7, 20 juillet 2000, pp. 849-850, p.850

42 Electoral Commission, Analysis of cases of alleged electoral fraud in the UK in 2015. Summary of data recorded by police forces (Analyse de cas de fraude électorale présumée au Royaume-Uni en 2015. Synthèse des données enregistrées par les forces de police), mars 2016, p. 25. Fichier accessible à l’adresse suivante : http://www.electoralcommission.org.uk/find-information-by-subject/electoral-fraud/data-and-analysis (consulté le 30 janvier 2016).

43 L’undue influence, d’abord définie par la loi Allcard v. Skinner de 1877, est définie ainsi par la Commission électorale : « A person is guilty of undue influence if they directly or indirectly make use of or threaten to make use of force, violence or restraint, or inflict or threaten to inflict injury, damage or harm in order to induce or compel that person to vote or refrain from voting. A person may also be guilty of undue influence if they impede or prevent any voter from freely exercising their right to vote – even where the attempt is unsuccessful. Undue influence doesn’t exclusively relate to physical access to the polling station. For example, a leaflet that threatens to make use of force in order to induce a voter to vote in a particular way could also be undue influence (Une personne se rend coupable d’influence abusive si, directement ou indirectement, elle use ou menace d’user de la force, de la violence ou de la contrainte, ou inflige ou menace d’infliger blessures, dommages ou une nuisance quelconque pour forcer une personne à voter ou s’abstenir de voter. Une personne se rend également coupable d’influence abusive si elle tente de faire obstacle ou empêche l’exercice du droit de vote de quelqu’électeur que ce soit – même quand la tentative est infructueuse. L’influence abusive ne concerne pas seulement l’accès physique au bureau de vote. Par exemple, une brochure menaçant d’user de la force afin d’induire un électeur à voter d’une certaine façon pourrait également constituer une influence abusive) ».

44 Audition de Diane Willis à la CNCDH, le 28 novembre 2016. Voir à ce propos Maria Sobolewska, Stuart Wilks-Heeg, Eleanor Hill, Magda Borkowska, Understanding electoral fraud vulnerability in Pakistani and Bangladeshi origin communities in England. A view of local political activists(Comprendre la vulnérabilité à la fraude électorale au sein des communautés pakistanaise et bengladaise en Angleterre. Aperçu des militants politiques locaux), Rapport remis à la Commission électorale, Janvier 2015.

45 Dans cet esprit, un groupe d’enseignants de l’académie de Créteil a créé un réseau en ligne (Twitter), « EMC, partageons ! », destiné à permettre aux élèves de partager leur expérience des cours d’éducation morale et civique ; des dizaines d’ULIS participent activement à ce réseau.

46 Ministère de l’éducation nationale, Circulaire n° 2015-129 du 21 août 2015 relative à la scolarisation des élèves en situation de handicap.

47 Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, Repère et références statistiques 2016, p. 25.

48 Audition de Colin Menabney à la CNCDH, le 28 novembre 2016.

49 Anna Benjamin, « Les handicapés mentaux commencent à user de leur droit de vote », Le Monde, 20 avril 2012, consultable en ligne : http: //www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/04/20/les-handicapes-mentaux-commencent-a-user-de-leur-droit-de-vote_1687844_1471069.html#mfRqcQPKEXGw2g8q.99 (consulté le 11 janvier 2017).

50 Maurice Agulhon, Histoire Vagabonde T.3 : La politique en France, d’hier à aujourd’hui, Paris, Gallimard, 1996

51 Rapport initial du Gouvernement français au Comité de suivi de la Convention internationale de protection des droits des personnes handicapées, 21 mars 2016. Il peut subsister des carences techniques dans l’accessibilité au vote, soulignée par le Défenseur des droits dans son avis de mars 2015, qui peuvent transformer le moment électoral en une véritable épreuve ; de ce point de vue, l’application des recommandations faites par le Défenseur des droits seraient les bienvenues. Il s’agit dans une large mesure de rappels à la loi, les communes étant peu sensibilisées à la question du handicap.

52 Rapport initial du Gouvernement français au comité de suivi de la Convention internationale de protection des droits des personnes handicapées, 21 mars 2016.

53 Ministère des affaires sociales et de la santé, 2014, trois mémentos sur l’Accessibilité du processus électoral aux personnes en situation de handicap, consultable sur http://social-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/guides/handicap/article/accessibilite-du-processus-electoral-aux-personnes-en-situation-de-handicap (consulté le 5 janvier 2017).

54 Voir : http://www.citizensinformationboard.ie/en/about/ (consulté le 16 janvier 2017).

55 On pense notamment à l’organisme SCOP Le messageur.

56 Audition d’Henri Nickels à la CNCDH, le 8 novembre 2016.

57 Audition de Colin Menabney à la CNCDH, le 28 novembre 2016.

58 Audition d’Anne-Sarah Kertudo et Pascal Lefebvre à la CNCDH, le 4 janvier 2017.

59 Audition de Colin Menabney à la CNCDH, le 28 novembre 2016 : Les responsables de ENBALE Glasgow estiment ainsi qu’environ 50 % des personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychique ont exercé leur droit de vote lors du référendum écossais ; un chiffre élevée pour cette catégorie de personnes, à l’image de la mobilisation record de l’ensemble de la population, s’élevant à plus de 84 %.