Conseil d’Etat
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15 mars 2019 | Décision contentieuse
Assistance aux personnes atteintes de surdité lors des audiences
Le Conseil d’État juge que les juridictions administratives sont tenues de fournir l’assistance nécessaire aux personnes atteintes de surdité lors des audiences
L’Essentiel
- Lors de son audience devant le tribunal administratif de Paris, un requérant atteint de surdité a demandé à être assisté par un interprète en langue des signes. Le tribunal a refusé de lui fournir cette assistance et s’est borné à l’inviter à venir accompagné d’une personne de son choix.
- Le Conseil d’État juge qu’en principe, ne pas fournir aux personnes atteintes de surdité présentes à l’instance l’assistance nécessaire lors des audiences entraîne l’annulation du jugement rendu.
Les faits et la procédure
M. A., atteint de surdité congénitale profonde, a demandé à être assisté par un interprète en langue des signes lors de l’audience au cours de laquelle devait être examinée sa requête. Le tribunal administratif de Paris a refusé d’accéder à cette demande et s’est borné à inviter l’intéressé à venir accompagné d’une personne de son choix capable d’assurer la traduction.
M. A. a demandé au Conseil d’État d’annuler le jugement rendu dans ces conditions. En outre, pour répondre à la demande de M. A., l’audience au Conseil d’État a été traduite par un interprète en langue des signes.
La décision de ce jour
Le premier alinéa de l’article 76 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées impose aux juridictions de fournir aux personnes présentes à l’instance qui en font la demande en temps utile l’assistance qu’impose leur surdité.
Le Conseil d’État juge donc que la méconnaissance de cette obligation entache en principe d’irrégularité la décision de la juridiction. Il ne peut en aller autrement que s’il est établi que l’absence de cette assistance n’a pas privé l’intéressé de la possibilité de présenter des observations au cours de l’audience ou une note en délibéré à l’issue de celle-ci.
Par suite, il annule le jugement du tribunal administratif rendu dans des conditions méconnaissant ces principes.
Par ailleurs, le Conseil d’État rappelle qu’un justiciable atteint de surdité demeure libre de se présenter à l’audience assisté d’une personne maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les personnes sourdes ou équipé d’un dispositif technique assurant cette communication, dans le respect du bon déroulement de l’audience.
N° 414751
Le Conseil d’État statuant au contentieux
Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies – Sur le rapport de la 1ère chambre de la Section du contentieux
Séance du 22 février 2019 – Lecture du 15 mars 2019
Vu la procédure suivante :
M. I…M…a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 25 octobre 2016 par laquelle le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, a rejeté son recours gracieux contre la décision du 5 juillet 2016 refusant de lui attribuer une carte de stationnement pour personnes handicapées, ainsi que la décision du 17 janvier 2017 par laquelle il a confirmé ce rejet. Par un jugement n° 1620895 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 28 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. M…demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
– le code de justice administrative ;
– la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M.M….
Considérant ce qui suit :
1. Les principes du caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense impliquent qu’un justiciable atteint de surdité puisse se présenter à l’audience accompagné d’une personne maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les personnes sourdes ou équipé d’un dispositif technique permettant cette communication, en vue de bénéficier, dans le respect du bon déroulement de l’audience, de l’assistance de cette personne ou de ce dispositif. En outre, le premier alinéa de l’article 76 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit que : « Devant les juridictions administratives, civiles et pénales, toute personne sourde bénéficie du dispositif de communication adapté de son choix. Ces frais sont pris en charge par l’Etat ». Il résulte de ces dispositions que les juridictions sont tenues de fournir aux personnes présentes à l’instance qui en font la demande en temps utile l’assistance qu’impose leur surdité. La méconnaissance de cette obligation entache en principe d’irrégularité la décision juridictionnelle. Il ne peut en aller autrement que s’il est établi qu’elle n’a pas privé l’intéressé de la possibilité de présenter des observations au cours de l’audience ou une note en délibéré à l’issue de celle-ci.
2. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Paris que M.M…, qui est atteint de surdité congénitale profonde, a demandé, par un courrier reçu le 18 mars 2017, à être assisté par un interprète en langue des signes lors de l’audience du 31 mars 2017 au cours de laquelle devait être examinée sa requête. Par un courrier du 20 mars 2017, le tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande et s’est borné à l’inviter à venir à l’audience accompagné d’une personne de son choix capable d’assurer la traduction. M. M…, qui n’a pu bénéficier de l’assistance qu’il avait réclamée en temps utile, a été privé de la possibilité de présenter des observations à l’audience. Par suite, le tribunal administratif a méconnu les dispositions du premier alinéa de l’article 76 de la loi du 11 février 2005 et a entaché son jugement d’irrégularité.
3. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 avril 2017 doit être annulé. Le moyen d’irrégularité retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens du pourvoi.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 avril 2017 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. I…M…et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice.