CONTROLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE

Avis du 11 février 2022 relatif à l’interprétariat et à la compréhension des personnes privées de liberté
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045734632

extraits
Lors des visites et par le biais des signalements qui lui sont adressés, le CGLPL a été plusieurs fois interpellé sur la situation des personnes sourdes et des personnes qui ne savent ou ne peuvent pas lire, en raison de déficiences physiques, physiologiques ou mentales. Il est chaque fois question de l’absence d’outils permettant de garantir la bonne compréhension de ces personnes mais également de l’absence de sensibilisation du personnel des lieux d’enfermement à leurs situations. Le cas d’un détenu sourd et muet d’un centre pénitentiaire occitan est éloquent. Averti par interphone de la présence de son avocat au parloir, il n’a été ni en mesure d’entendre l’interphone, ni d’y répondre. Il avait par ailleurs « vu le voyant de l’interphone de sa cellule clignoter mais n’avait pas compris la signification de cette lumière, personne n’étant venu le voir pour lui indiquer la présence de son avocat » (17). Son silence a été interprété comme un refus par le personnel.
A cet égard, le CGLPL recommande que les personnes sourdes disposent dans leur cellule d’un moyen d’appel – lumineux ou autre – qui leur assure d’être visibles et audibles, notamment en cas d’urgence (18). Le téléphone servant au maintien des liens avec l’extérieur doit pouvoir être remplacé par de la visiophonie et les programmes de télévision diffusés doivent pouvoir être sous-titrés.
La prise en charge des personnes sourdes requiert par ailleurs une attention quotidienne de la part des autorités en charge des lieux d’enfermement. En sus de l’intervention d’interprètes en langue des signes pour les moments importants de la privation de liberté, les autorités doivent aussi employer des membres du personnel qui maîtrisent la langue des signes, et à faire intervenir des visiteurs ou des membres d’association qui la parlent. En tout état de cause, le personnel en charge des lieux d’enfermement doit garder à l’esprit que seul un contact visuel permet de comprendre et de se faire comprendre des personnes sourdes ou muettes. Des outils, tels que des tablettes numériques permettant d’accéder à des plateformes de visio-interprétation en langue des signes, doivent être accessibles.
De manière plus générale, l’administration doit redoubler d’inventivité pour se faire comprendre et multiplier les supports d’expression plutôt que de les réduire. L’utilisation de toutes formes d’information non verbale (les vidéos, les pictogrammes, la signalétique, le langage corporel ou encore le canal interne diffusant des informations en plusieurs langues, etc.) devra servir ce dessein.
Un livret rassemblant des pictogrammes symbolisant les besoins et demandes urgentes, tels que les soins, la demande d’avocat ou encore le signalement de violences subies peut utilement être remis à la fois aux personnes sourdes, muettes ou en situation d’illettrisme à leur arrivée dans le lieu de privation de liberté mais également au personnel en charge du lieu d’enfermement qui pourra ainsi informer la personne d’un rendez-vous ou d’une activité par le biais du pictogramme correspondant. En tout état de cause, le CGLPL recommande que le personnel soit sensibilisé aux moyens de communication dans un contexte d’interculturalité.